MALIN NON ?!!

Publié le par Nawa

Ernest Aka Simon
Abidjan

Choqué par son rapatriement à Abidjan, qu’il considère comme un montage, un Ivoirien explique sa mésaventure.

Que vous est-il arrivé en France pour que vous soyez expulsé?
Je précise que je n’ai pas été expulsé. Ce sont des malentendus. Pour être expulsé, il faut vivre en France. Moi, je vis à Abidjan. Je ne travaille pas en France, je ne suis pas immatriculé en France. C’est dans le cadre familial que je suis allé dans ce pays. La France, pour augmenter le nombre d’immigrés à expulser, a donné un quota à chaque préfecture. Les policiers ont des primes pour exécuter cette tâche. Ils peuvent vous interpeller même à l’aéroport, dans un rang en train de remplir les formalités d’embarquement. Ils vous demandent alors de les suivre, de ne plus rentrer chez vous et de vous mettre à la disposition de la police française, italienne ou allemande. Dieu a voulu que l’opinion nationale et internationale sache comment les Africains sont traités en France. Et j’ai vécu cette mésaventure.

A Abidjan, quelle est votre occupation?
Je travaille à Abidjan depuis 22 ans, j’ai ma famille ici, je suis dans la fonction publique.

Pouvez-vous nous dire ce qui vous est concrètement arrivé en Europe?
Au départ, je n’avais pas affaire à la police française, puisque je n’étais pas en France. J’étais dans un rang à l’aéroport, en Italie, avec mes bagages pour revenir à Abidjan. Et comme je vous le disais tantôt, les services de l’immigration en France étant assujettis à des quotas, quand l’Italie prend un Africain, au lieu de l’expulser, elle l’envoie en France. L’Italie paie des primes aux policiers français venus chercher cet immigrant. Quant à la France, elle se charge de l’expulser pour le comptabiliser dans les statistiques d’expulsions en fin d’année.

Pour quelles raisons, selon vous?
C’est pour dire qu’elle diminue l’insécurité. Je vais plus loin pour dire que l’immigration n’a rien à avoir avec l’insécurité. Les Africains qui vont en France, c’est pour y travailler. Mais pas pour poser des bombes. Les Africains sont des racailles, donc il faut les balayer. Munis de papier ou pas, il faut les enlever du territoire français.

Etiez-vous le seul à l’aéroport en Italie à être interpellé?
Un certain nombre de Noirs avaient été interpellés en même temps que moi. On m’a demandé de donner mes papiers. Ce que j’ai fait en même temps que mon billet d’avion. Comme je ne parle pas l’Italien, je me suis retrouvé dans un engrenage. Ce pays me renvoie en Suisse, à la frontière française.

Pourquoi en Suisse?
Tout simplement parce que de l’Italie, pour aller en France, il faut passer par la Suisse. C’est la procédure.

Au moment de votre interpellation en Italie, aviez-vous vraiment vos papiers en règle?
Depuis 1984, je vais souvent en Europe. Je n’ai jamais eu de problème. J’étais en règle. Si non je n’entrerais pas dans un territoire.

Que s’est-il passé quand vous êtes arrivé en France?
En France, je pouvais m’exprimer en Français. J’ai dit aux responsables de l’immigration que je voulais rentrer chez moi. Je me suis laissé dire que c’est une procédure d’expulsion qui doit suivre son cours. De fait, je devais être gardé pendant 24 heures, avant d’être présenté au préfet. Qui allait décider si je devais rentrer en Côte d’Ivoire ou être maintenu dans un centre de rétention. Je leur ai demandé ce que c’est qu’un centre de rétention. Ils m’ont dit que c’est un endroit où on garde des immigrés en situation irrégulière en Europe avant de les renvoyer dans leurs pays respectifs. Je me suis retrouvé dans ce centre de rétention. A la justice, j’ai demandé à rentrer étant donné que j’avais mon billet. Le juge m’a dit que je n’avais pas d’adresse en France, donc il ne pouvait pas me laisser en liberté.

Dans ce centre, comment a été organisé votre rapatriement?
J’ai alors appelé mon épouse et un ami qui est au Canada quand mon téléphone portable m’a été remis. Mon ami du Canada a divulgué l’information sur l’Internet. Alors l’AFP, France Inter et plusieurs radios ont diffusé cette information. Notre Consul a dit au préfet du Doubs qu’il n’était pas normal qu’on retienne quelqu’un qui devrait circuler librement. L’Association des Ivoiriens résidant au Doubs s’est rendue spontanément au centre. Pour dire aux responsables de la préfecture : «vous n’êtes pas dans vos droits». La préfecture a reconnu qu’elle était en erreur. Mais qu’elle était assujettie à un quota d’expulsés. A 5h du matin, on m’a dit : «on ne vous menotte pas, vous allez rentrer dans votre pays, parce que vous êtes en règle». Je leur ai demandé «qui prend mon billet en compte?» On m’a répondu : «c’est l’Etat français». Ainsi je suis revenu à Abidjan tranquillement mercredi.

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